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mont-oriol

Il retrouva Charlotte Oriol seule, en effet, dans le froid salon, peint à la chaux, de la demeure paternelle ; et il lui dit, en s’asseyant près d’elle :

— C’est moi, mademoiselle, qui ai prié Gontran de me procurer cette entrevue avec vous.

Elle le regarda de ses yeux clairs :

— Pourquoi donc ?

— Oh ! ce n’est pas pour vous conter des fadeurs à l’italienne, c’est pour vous parler en ami, en ami très dévoué qui vous doit un conseil.

— Dites.

Il prit la chose de loin, s’appuya sur son expérience à lui et sur son inexpérience à elle, pour amener tout doucement des phrases discrètes mais nettes sur les aventuriers qui cherchent partout fortune, exploitant avec leur habileté professionnelle tous les êtres naïfs et bons, hommes ou femmes, dont ils explorent les bourses et les cœurs.

Elle était devenue un peu pâle et l’écoutait sérieuse de toutes ses oreilles.

Elle demanda :

— Je comprends et je ne comprends pas. Vous parlez de quelqu’un, de qui ?

— Je parle du docteur Mazelli.

Alors elle baissa les yeux et demeura quelques instants sans répondre, puis d’une voix qui hésitait :

— Vous êtes si franc, que je ferai comme vous. Depuis… depuis… depuis le mariage de ma sœur, je suis devenue un peu moins… un peu moins bête ! Eh bien, je me doutais déjà de ce que vous me dites… et je m’amusais toute seule à le voir venir.

Elle avait relevé son visage, et, dans son sourire, dans