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son regard fin, dans son petit nez retroussé, dans l’éclat humide et luisant de ses dents apparues entre ses lèvres, tant de grâce sincère, de malice gaie, d’espièglerie charmante apparaissaient, que Brétigny se sentit emporté vers elle par un de ces élans tumultueux qui le jetaient éperdu de passion aux pieds de la dernière aimée. Et son cœur exultait de joie, puisque Mazelli n’était point préféré. Il avait donc triomphé, lui !

Il demanda :

— Alors, vous ne l’aimez pas ?

— Qui ? Mazelli ?

— Oui.

Elle le regarda avec des yeux si chagrins qu’il se sentit bouleversé ; il balbutia d’une voix suppliante :

— Eh… vous n’aimez… personne ?

Elle répondit, le regard baissé :

— Je ne sais pas… J’aime les gens qui m’aiment.

Il saisit soudain les deux mains de la jeune fille et, les baisant avec frénésie, dans une de ces secondes d’entraînement où la tête s’affole, où les mots qui sortent des lèvres viennent de la chair soulevée plus que de l’esprit égaré, il balbutia :

— Moi ! je vous aime, ma petite Charlotte, moi, je vous aime !

Elle dégagea bien vite une de ses mains et la lui posa sur la bouche en murmurant :

— Taisez-vous… Je vous en prie, taisez-vous !… Cela me ferait trop de mal si c’était encore un mensonge.

Elle s’était dressée ; il se leva, la saisit dans ses bras, et l’embrassa avec emportement.

Un bruit subit les sépara ; le père Oriol venait d’entrer et il les regardait effaré. Puis il cria :