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lui-même demeura quelque temps engourdi. On lui parlait, elle répondait d’une voix très lasse, très basse.

Soudain le visage d’Andermatt se pencha vers le sien et il dit :

— Elle vivra… elle est presque à terme… C’est une fille…

Christiane ne put que murmurer :

— Ah ! mon Dieu !

Donc elle avait un enfant, un enfant vivant, qui grandirait… un enfant de Paul ! Elle eut envie de se remettre à crier, tant ce nouveau malheur lui meurtrissait le cœur. Elle avait une fille ! Elle n’en voulait pas ! Elle ne la verrait point !… elle ne la toucherait jamais !

On l’avait recouchée, soignée, embrassée ! Qui ? Son père et son mari sans doute ? Elle ne savait pas. Mais lui, où était-il ? Que faisait-il ? Comme elle se serait sentie heureuse, à cette heure-là, s’il l’eût aimée !

Le temps passait, les heures se suivaient sans qu’elle distinguât même le jour de la nuit, car elle sentait seulement la brûlure de cette pensée : il aimait une autre femme.

Tout à coup elle se dit : « Si ce n’était pas vrai ?… Comment n’aurais-je pas su plus tôt son mariage, moi, avant ce médecin ?

Puis elle réfléchit qu’on le lui avait caché. Paul avait pris soin qu’elle ne l’apprît pas.

Elle regarda dans sa chambre pour voir qui était là. Une femme inconnue veillait près d’elle, une femme du peuple. Elle n’osa pas l’interroger. À qui pourrait-elle donc demander cette chose ?

Soudain la porte fut poussée. Son mari entrait sur