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mont-oriol

— Ce sont eux qui travaillent autour du morne ?

— Oui, oui, parfaitement.

Juste à cet instant, les deux hommes s’éloignèrent à grands pas de la roche chargée de poudre ; et toute la foule d’en bas qui les entourait, se mit à courir comme une armée en déroute. Elle fuyait vers Riom et vers Enval, laissant tout seul le gros rocher sur une petite butte de gazon ras et pierreux, car il coupait en deux la vigne ; et ses alentours immédiats n’étaient point encore défrichés.

La foule d’en haut, aussi nombreuse que l’autre maintenant, frémit d’aise et d’impatience ; et la voix forte de Petrus Martel annonça : « Attention ! la mèche est allumée. »

Christiane eut un grand frisson d’attente. Mais le docteur murmura dans son dos :

— Oh ! s’ils ont laissé toute la mèche que je les ai vus acheter, nous en avons au moins pour dix minutes.

Tous les yeux regardaient la pierre ; et soudain un chien, un petit chien noir, une sorte de roquet, s’en approcha. Il fit le tour, flaira et découvrit sans doute une odeur suspecte, car il commença à japper de toute sa force, les pattes roides, le poil du dos hérissé, la queue tendue, les oreilles droites.

Un rire courut dans le public, un rire cruel ; on espérait qu’il ne s’en irait pas à temps. Puis des voix l’appelèrent pour l’écarter ; des hommes sifflèrent ; on essaya de lui lancer des cailloux qui n’arrivèrent pas à mi-chemin. Mais le roquet ne bougeait plus et aboyait avec fureur contre le rocher.

Christiane se mit à trembler. Une peur atroce l’avait