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saisie de voir cette bête éventrée ; tout son plaisir était fini ; elle voulait s’en aller ; elle répétait, nerveuse, balbutiant, toute vibrante d’angoisse :

— Oh ! mon Dieu ! Oh ! mon Dieu ! il sera tué ! Je ne veux pas voir ! je ne veux pas ! je ne veux pas ! Allons nous-en…

Son voisin, Paul Brétigny, s’était levé, et, sans dire un mot, il se mit à descendre vers le morne de toute la vitesse de ses longues jambes.

Des cris d’épouvante jaillirent des bouches ; un remous de terreur agita la foule ; et le roquet, voyant arriver vers lui ce grand homme, se sauva derrière le roc. Paul l’y poursuivit ; le chien passa encore de l’autre côté et, pendant une minute ou deux, ils coururent autour de la pierre, allant ou revenant tantôt à droite, tantôt à gauche, comme s’ils eussent joué une partie de cache-cache.

Voyant enfin qu’il n’atteindrait pas la bête, le jeune homme se mit à remonter la pente, et le chien, repris de fureur, recommença ses aboiements.

Des vociférations de colère accueillirent le retour de l’imprudent essoufflé, car les gens ne pardonnent point à ceux qui les ont fait trembler. Christiane suffoquait d’émotion, les deux mains appuyées sur son cœur bondissant. Elle perdait tellement la tête qu’elle demanda : « Vous n’êtes pas blessé, au moins que tandis Gontran, furieux, criait : « Il est fou, cet animal-là ; il ne fait jamais que des bêtises pareilles ; je ne connais pas un semblable idiot… »

Mais le sol oscilla, soulevé. Une détonation formidable secoua le pays entier, et, pendant près d’une longue minute, tonna dans la montagne, répétée par