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dans leur cour, où l’infirme s’enfermerait afin de changer de hardes.

Puis, le banquier et le médecin retournèrent au village. Ils se séparèrent à l’entrée, celui-ci rentrant chez lui pour ses consultations, et celui-là allant attendre sa femme qui devait venir à l’établissement vers neuf heures et demie.

Elle apparut presque aussitôt. En toilette rose, des pieds à la tête, chapeau rose, ombrelle rose et visage rose, elle avait l’air d’une aurore, et elle descendait le roidillon de l’hôtel, pour éviter le détour du chemin, avec un sautillement d’oiseau qui va de pierre en pierre, sans ouvrir les ailes. Elle cria, dès qu’elle aperçut son mari :

— Oh ! le joli pays, je suis tout à fait contente !

Les quelques baigneurs errant tristement dans le petit parc silencieux se retournèrent à son passage, et Petrus Martel qui fumait sa pipe, en manches de chemise, à la fenêtre du billard, appela son compère Lapalme, assis dans un coin devant un verre de vin blanc, en disant avec un claquement de langue :

— Bigre, voilà du nanan.

Christiane pénétra dans l’établissement, salua d’un sourire le caissier assis à gauche de l’entrée, et d’un bonjour, l’ancien geôlier assis à droite ; puis, tendant un billet à une baigneuse vêtue comme celle de la buvette, elle la suivit dans un corridor où donnaient les portes des salles de bains.

On la fit entrer dans l’une d’elles, assez vaste, aux murs nus, meublée d’une chaise, d’une glace et d’un chausse-pied, tandis qu’un grand trou ovale, enduit de ciment jaune comme le sol, servait de baignoire.