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mont-oriol

La femme tourna une clef pareille à celles qui font couler les ruisseaux des rues, et l’eau jaillit par une petite ouverture ronde et grillée au fond de cette cuve, qui fut bientôt remplie jusqu’aux bords, et qui déversait son trop-plein par une rigole s’enfonçant dans le mur.

Christiane, qui avait laissé sa femme de chambre à l’hôtel, refusa, pour se dévêtir, les soins de l’Auvergnate et resta seule, disant qu’elle sonnerait, si elle avait besoin de quelque chose, et pour son linge.

Et elle se déshabilla lentement, en regardant le presque invisible mouvement de cette onde remuée dans ce bassin clair. Lorsqu’elle fut nue, elle trempa son pied dedans et une bonne sensation chaude monta jusqu’à sa gorge ; puis elle enfonça dans l’eau tiède une jambe d’abord, l’autre ensuite, et s’assit dans cette chaleur, dans cette douceur, dans ce bain transparent, dans cette source qui coulait sur elle, autour d’elle, couvrant son corps de petites bulles de gaz, tout le long des jambes, tout le long des bras, et sur les seins aussi. Elle regardait avec surprise ces innombrables et si fines gouttes d’air qui l’habillaient des pieds à la tête d’une cuirasse entière de perles menues. Et ces perles, si petites, s’envolaient sans cesse de sa chair blanche, et venaient s’évaporer à la surface du bain, chassées par d’autres qui naissaient sur elle. Elles naissaient sur sa peau comme des fruits légers, insaisissables et charmants, les fruits de ce corps mignon, rose et frais, qui faisait pousser dans l’eau des perles.

Et Christiane se sentait si bien là dedans, si doucement, si mollement, si délicieusement caressée, étreinte