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Page:Maurice Maeterlinck - L'intelligence des fleurs, 1922.djvu/175

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L’INQUIÉTUDE DE NOTRE MORALE

planète où ne s’est pas encore achevée l’évolution des espèces. En attendant, la plupart d’entre elles désarment ceux qui les pratiquent en face de ceux qui ne les pratiquent point. Elles entravent le développement de ceux qui devraient être les meilleurs, au profit des moins bons. Elles opposent un idéal excellent, mais humain et particulier, à l’idéal général de la vie ; et cet idéal plus restreint est forcément vaincu d’avance.

L’objection est spécieuse : d’abord, cette soi-disant découverte de la lutte pour la vie, où l’on cherche la source d’une morale nouvelle, n’est au fond qu’une découverte de mots. Il ne suffit pas de donner un nom inaccoutumé à une loi immémoriale pour légitimer une déviation radicale de l’idéal humain. La lutte pour la vie existe depuis qu’existe notre planète ; et pas une de ses conséquences ne s’est modifiée, pas une de ses énigmes ne s’est éclaircie, le jour que l’on crut en prendre conscience en l’ornant