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Page:Maurice Maeterlinck - L'intelligence des fleurs, 1922.djvu/318

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L’IMMORTALITÉ

précaire de nos facultés. Étant évident, disons-nous, que rien ne peut périr, nous avons nécessairement vécu avant notre vie actuelle. Mais puisque nous ne pouvons rattacher cette existence antérieure à notre vie présente, cette certitude nous est aussi indifférente, passe aussi loin de nous, que toutes les certitudes de l’existence postérieure. Et voilà, avant la vie comme après le mort, l’apparition du moi mnémonique dont il convient, une fois de plus, de se demander si ce qu’il fait durant les quelques jours de son activité est vraiment assez important pour décider ainsi, à son seul égard, du problème de l’immortalité. De ce que nous jouissons de notre moi sous une forme exclusive, si spéciale, si imparfaite, si fragile, si éphémère, s’ensuit-il qu’il n’y ait nul autre mode de conscience et nul autre moyen de jouir de la vie ? Un peuple d’aveugles-nés, pour revenir à la comparaison qui s’impose puisqu’elle résume le mieux notre situation parmi la nuit des mondes, un