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Page:Maurice Maeterlinck - L'intelligence des fleurs, 1922.djvu/319

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L’IMMORTALITÉ

peuple d’aveugles-nés, à qui un unique voyant révélerait les allégresses de la lumière, nierait non seulement que celle-ci soit possible, mais même imaginable. Pour nous, n’est-il pas à peu près certain qu’il nous manque ici-bas, entre mille autres sens, un sens supérieur à celui de notre conscience mnémonique pour jouir plus amplement et plus sûrement de notre moi ? Ne pourrait-on pas dire que nous saisissons parfois des traces obscures ou des velléités de ce sens en germe ou atrophié, en tout cas opprimé et presque supprimé par le régime de notre vie terrestre qui centralise toutes les évolutions de notre existence sur le même point sensible ? N’y a-t-il pas certains moments confus, où, si impitoyablement, si scientifiquement que l’on fasse la part de l’égoïsme recherché jusqu’en ses plus lointaines et secrètes sources, il demeure en nous quelque chose d’absolument désintéressé qui goûte le bonheur d’autrui ? N’est-il pas également possible que les joies sans but de l’art, la