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Page:Maurice Maeterlinck - L'intelligence des fleurs, 1922.djvu/94

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L’INTELLIGENCE DES FLEURS

observé la vie qui s’agite autour d’elle. Elle sait que les abeilles forment un peuple innombrable, avide et affairé, qu’elles sortent par milliers aux heures ensoleillées, qu’il suffit qu’un parfum vibre comme un baiser au seuil d’une fleur qui s’ouvre, pour qu’elles accourent en foule au festin préparé sous la tente nuptiale. Voici donc deux ou trois butineuses dans la chambre sucrée ; le lieu est exigu, les parois sont glissantes, les invitées brutales. Elles se pressent, se bousculent, si bien que l’une d’elles finit toujours par choir dans le godet qui l’attend sous le repas perfide. Elle y trouve un bain inattendu ; y mouille consciencieusement ses belles ailes diaphanes, et malgré d’immenses efforts, ne parvient plus à reprendre son vol. C’est bien là que la guette la fleur astucieuse. Il n’existe, pour sortir du godet magique, qu’une seule ouverture, la gouttière qui déverse au dehors le trop-plein du réservoir. Elle est tout juste assez large pour livrer passage à l’insecte dont le dos touche