Aller au contenu

Page:Maurice Pescatore - Chasses et voyages au Congo, 1932.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
289
chasses et voyages au congo

puscules sur la mer Rouge où à chaque passage, une nouvelle joie vous saisit, mais ce soir la descente du soleil derrière les îles de l’Aruwimi a pour moi un charme tout spécial et inconnu. Une teinte verte s’est d’abord répandue sur tout le fleuve, j’allais dire le lac, tant cette énorme masse d’eau presque immobile me fait penser à une mer intérieure plutôt qu’à un fleuve, dans le sens que nous sommes habitués à lui donner en Europe, et que nous nous représentons comme une voie d’eau à courant rapide, et sillonnée de bateaux de tous tonnages, transportant sans relâche des charges et des marchandises d’un bout à l’autre des pays qu’il traverse. Rien de pareil ici : l’immensité qui s’étend devant nous, a l’air d’une mer d’huile ou de métal en fusion et les lames d’argent qui la couvrent par intermittence, là où les courants sous-marins produisent de légères vagues, ajoutent à cette illusion. Dans le fond et l’encerclant presque en entier, la forêt lui fait comme un mur de verdure qui, à mesure que le soir tombe, devient, peu à peu complètement noir et fait encore mieux ressortir tous les tons d’or et de cuivre dont peu à peu le ciel s’est couvert à l’Occident, passant du jaune clair à l’orange, puis du carmin au rouge sang pour finir dans un embrasement général du ciel et de la terre, et donnant au Grand Fleuve l’aspect d’une énorme coulée de lave sous les derniers rayons pourpres du Couchant… Une barque de pêcheurs s’était, entre temps, détachée de la côte, et les indigènes montés sur leur pirogue préparaient leurs nasses pour la pêche de la nuit. Prenant pour objectif ce qui, dans la demi-obscurité avait l’air d’une gondole, nous avons essayé de fixer par la photographie cette vision grandiose, mais combien est falote cette petite image prise à contre-jour, à côté des couleurs que même la palette d’un peintre ne saurait rendre, et dont seuls les tropiques ont le secret !


8 avril.

Nous recueillons en passant les eaux de l’Itimbiri qui vient de Buta, et à chaque nouvel affluent qui s’y déverse,