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Page:Memoires de Mademoiselle de Bonneval.djvu/129

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que mon cœur se livroit tout entier au plaisir qui l’occupoit. Malheureuse conditioh des Amans ! Leurs peines sont toûjours réelles, & ils sont ingénieux à empoisonner leurs plaisirs. Je vis avec frayeur le chemin qu’avoit fait mon amour en si peu de tems, & les suites de ma passion qui se présentèrent à mes yeux, me firent trembler. J’aime, disois-je, & je ne pense pas à l’intervalle que le sort cruel a mis entre ma fortune & celle de la personne pour qui l’amour me force de soupirer : oserai-je jamais lui dire que je l’adore, puis-je seulement me flatter de la voir (car je sçavois qu’elle demeuroit dans un Couvent, & elle venoit si rarement chez Madame de Valpré, que je ne l’avois jamais vûë.) J’aimerois donc une personne que je ne verrai peut-être jamais. Hélas ! elle a disparu comme