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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/103

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GLORIANE

devaient être très drôles, car il riait bruyamment ; elle riait aussi, moins que lui, — jalouse peut-être. Cependant, il me faisait mal, me serrant de plus en plus. Je me sentais aux yeux des chaleurs de vin et de sang ; il me semblait que mes cheveux s’allumaient tout près des racines. Une fureur me prenait. J’aurais voulu sauter sur cet homme, lui enfoncer les ongles dans la gorge, le déchirer, le mordre. Mais je ne me plaignais pas, le regardant en dessous. Et j’aurais voulu aussi qu’il m’étranglât tout à fait. Puis, la servante se levait. « Il est tard ! allons, Frascuèla, couche-toi, et dors vite. » Je me déshabillais pendant qu’il lui parlait à l’oreille dans des baisers qui faisaient du bruit.

« Ramassée sur moi-même, du côté de la muraille, dans les draps encore froids, je fermais les yeux. Le lit me paraissait un enveloppement de glace, tant ma peau était chaude, la peau des mains surtout ; mes dix doigts écarquillés sur ma poitrine s’y enfonçaient comme des griffes de strige. Mais, bien que j’eusse la fièvre, une fièvre de délire, je me tenais immobile, comprimant mes sursauts à force de me serrer contre moi-même ; et je tâchais, la gorge pleine d’un râle