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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/105

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GLORIANE

m’enseigna ne servit qu’à étendre, à préciser la science conquise, qu’à exaspérer les rages de l’instinct ! Tout ce qu’on jette au bûcher devient flamme, tout ce qui tombe à l’enfer devient damnation. Je fus prise de la folie de lire et d’apprendre ; peu m’importait l’objet de l’étude, tout livre m’était bon ; car il n’était point de page où, surexcitée jusqu’à l’hallucination par l’intensité croissante du désir, je ne découvrisse, éperdue, l’alléchant mystère du péché. Les légendes même des saints m’enivrèrent comme des féeries d’amour ; j’étais la tentatrice échevelée et nue des ermites en prière. Cependant, j’allais par les couloirs et sous les arceaux du cloître, errant comme une bête traquée, avec des gestes qui étonnaient, avec des mots incompris, parfois improvisant des chants et des vers dans des crises de possédée ! On m’avait appelée « l’idiote », on m’appela « la folle ». Une fois que j’étais seule dans la chapelle, les yeux ardemment levés vers l’autel, « Que regardez-vous là ? » me demanda une sœur ; — « Cet homme ! » répondis-je en lui montrant Dieu. Pourtant je n’étais pas impie, — pas encore, du moins. Je remplissais mes devoirs religieux. Je jeûnais, je me confessais, éprou-