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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/106

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LE ROI VIERGE

vant je ne sais quels délices à l’aveu de mes désirs, qui en permettait l’expression. « Je suis amoureuse ! » dis-je un jour au jeune prêtre qui m’interrogeait. — Oh ! dit-il effrayé, de qui ? — De toi ! » lui criai-je.

« Nous partîmes ensemble. Comment ? Je ne me souviens plus. On escalade des murs, après des portes ouvertes par des tourières bien payées, qui disent : « Jésus Maria ! » et regrettent de ne pas vous suivre. Il hésitait, le beau prêtre, avait des remords, craignait l’enfer. C’était moi, petite fille de quatorze ans, qui l’entraînais. Nous courions à travers champs, sous l’ombre bleue. Quand il faiblissait, je me jetais contre lui, frémissante ; il reprenait des forces après avoir respiré mes cheveux, comme un ouvrier se remet à la besogne après une lampée de vin. Il y eut une auberge sur la route. On nous demanda : « Deux chambres ? » À cause de sa robe. Les brutes ! Une seule, puisque j’avais une robe aussi, moi ! Il rougissait jusqu’aux yeux, épouvanté du scandale. Nous fûmes seuls. Il y eut une minute douteuse. Il se détournait, s’occupant à fermer les rideaux, s’assurant si la porte avait un verrou. Moi, j’attendais. Pourquoi donc