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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/115

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GLORIANE

despotique de mon baiser. Je suis reine, même des révoltes, et, même absente, je suis là. Le marchand, dans la monnaie d’or qu’il compte, reconnaît la rougeur fauve de mes cheveux ; l’artisan se souvient de mes bras quand le fer plie entre les mâchoires de l’étau et mes yeux, qui ne se troublent jamais, sourient aux écoliers dans l’azur pur des matinées ! Certes l’on me hait et l’on me méprise autant que l’on m’adore ; je triomphe, abominable ! Mais de quel droit me haïssent-ils, puisque je suis leur joie ? Qui leur a permis de détester leur ivresse ? Ah ! c’est vrai, les épouses se lamentent et les jeunes filles aussi. Eh bien ! je ris, moi, avec toutes mes dents blanches de bête satisfaite ! La force du rire me fut donnée, comme à elles la faiblesse des larmes. Où est mon crime ? La Frascuèla se prostitue comme d’autres se refusent, par une volonté qu’on ignore. Puisque la flamme est en moi, je consume. Ne comprend-on pas que je me brûle aussi, moi-même ? Je suis la maison incendiée où s’allume la ville. Qui a mis le feu ? Tout être suit sa loi, qu’il n’a pas choisie. Le tigre mord, l’oiseau becquête ; est-ce que le ramage a des reproches à faire au rugis-