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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/116

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LE ROI VIERGE

sement ? Je suis celle que je suis, vous dis-je ! et si j’épouvante, ce n’est pas à cause du danger qui est en moi, mais de la lâcheté qui est en vous. Ah ! je l’ai cru souvent, j’aurais valu de vivre sous d’autres cieux, en d’autres âges, puisque je hais l’hypocrisie de vos pudeurs et de vos vêtements, puisque j’ai le superbe devoir d’être amoureuse et d’être nue ! Au temps où la Beauté sortait de la mer, elle pouvait se jeter dans la foule ; et moi, infâme à présent, j’aurais été alors, dans les temples où l’on s’agenouille sans baisser les regards, l’auguste Vénus Pandémie, femelle universelle des hommes et des dieux ! »

La Frascuèla se tut, haletante, du sang aux lèvres, aux narines, aux joues, et, debout, dans un écartement furieux d’étoffes, chancelant vers Brascassou avec des gestes vagues, qui cherchent des appuis, elle semblait comme soûle de son orgueilleuse ignominie.

Des heures s’écoulèrent. La flamme des bougies se fit pâle, l’aurore ensanglanta sur le lit d’étoffes la crinière éparse et le grand corps nu, tout ramassé, de la Frascuèla qui dormait avec un souffle fort son sommeil de lionne repue.

Elle s’éveilla à cause du jour, ou à cause d’un