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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/123

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GLORIANE

quoi ? — Parce qu’il est pauvre. » Plus souvent il ne donnait pas de raison. « Je le veux. » Rien de plus. Elle se tournait vers ceux qu’il lui désignait. Magnifique et puissante, elle obéissait à ce petit homme, allait, venait, faisait ceci, ne faisait pas cela, comme un éléphant pincé à l’oreille. Elle eut des révoltes ; il la battit. Plus forte que lui, elle aurait pu l’étrangler d’une seule main, ou, d’un coup de poing, lui enfoncer les côtes ; elle se détournait pour recevoir les dures bourrées dans le dos, où elles lui faisaient moins de mal, restait courbée, ne bougeait plus, complaisante, inerte, comme retenue par sa pesanteur. Quelquefois, après lui avoir ensanglanté les reins, il était de bonne humeur tout à coup, l’appelait « trésor », et lui faisait risette avec sa petite bouche de vipère. Elle était très contente.

Cependant les affaires n’allaient pas au gré de Brascassou. Il avait dompté la vapeur ; mais la roue de la fortune tournait très lentement encore. Des bacheliers sans avoir, des marchands avares, des rentiers obérés, c’est ce qu’on trouve dans les petites villes du nord de l’Espagne, Bilbao, Tolosa, Burgos. L’argent manquait pour