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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/124

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LE ROI VIERGE

se produire avec éclat dans les grandes cités libertines et riches. Il y eut un hasard heureux. Un soir que Brascassou la battait plus rudement que de coutume, la Frascuèla poussa un cri aigu, prolongé, retentissant. « Biédaze ! tu as de la voix ! » dit-il. Il la fit chanter, bien qu’elle pleurât. Une voix magnifique en effet qui, des notes profondes des contralti montait aux accents éperdus des soprani les plus élevés. Brascassou dit : « J’aurai des rentes. »

Il l’emmena en France, à Toulouse, où le scandale du bal Bathylle devait être oublié depuis longtemps ; car plusieurs années s’étaient écoulées. La Frascuèla, se laissant faire, eut des maîtres, suivit les cours du Conservatoire, s’ennuya d’abord de ces études. Mais le démon des sons la saisit aux entrailles. La volupté des mélodies l’enlaçait comme des bras vivants ; elle se pâmait parmi le bercement des harmonies. Elle se jeta dans la musique comme dans un lit de chaudes luxures, et, furieuse artiste toute imbue des ardeurs de la femme, elle fut la prostituée frénétique de l’art. Brascassou disait en se frottant les mains : « Ce sera extraordinaire ! » Pourtant, de quoi vivaient-ils ? Comment subvenait-il aux