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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/125

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GLORIANE

dépenses de cette éducation musicale ? Il avait installé un tripot dans une petite maison de campagne, sur le chemin de la Colonne. Des étudiants y venaient jouer et perdre. De là quelques sommes. Aucun autre profit. Car Brascassou, maintenant, veillait avec des soins austères sur la conduite de la Frascuèla. Une mère n’eût pas été plus rigide. « À cause de ta voix, millo dious ! » Enfin, quand elle n’eut plus rien à apprendre, quand il fut certain qu’elle était une grande artiste, il la fit apparaître, soudainement ! Il la « lâcha », comme il disait. Elle chanta au théâtre du Capitole — sous le nom de Gloriane, qu’il avait inventé pour elle, — fut acclamée, admirée, adorée ; partit pour l’Italie, fit fureur à Bologne, à Venise, à Florence, — sous le nom de Gloriani, qu’il lui avait imposé, trouvant jolie cette sonorité italienne et romantique ; et, dès lors, ils voyagèrent de capitale en capitale, de Turin à Berlin, de Vienne à Madrid ; elle, éperdue, toute chauffée chaque soir par les yeux embrasés des hommes, se livrant entière, possédée et possédant ; lui, satisfait, mais adroit, ne perdant pas la tête, traitant avec les directeurs et les entremetteuses, riche sans doute, — domestique et maître