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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/142

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LE ROI VIERGE

— Mona Kharis ? répéta Brascassou, dont les yeux s’allumèrent.

Je crois bien qu’il avait entendu parler d’elle ! Qui donc ne connaissait pas la légende de cette prodigieuse créature, venue l’on ne sait d’où, fille d’une gitana de Séville, ou d’une pauvresse de Montross, ou d’une bayadère de Calcutta, servante d’abord, et fille publique, danseuse bientôt, chanteuse aussi, qui, avare comme une courtisane, hardie comme un jeune homme, séduisante comme une fée, avait traversé l’Europe en ruinant les millionnaires, en souffletant les gendarmes et en charmant les poëtes, dans un éblouissement de jupe pailletée, lancée au ciel d’un coup de pied, et dans un bruit de castagnettes d’or ; qui, plus tard, espèce de chevalière d’Éon transformée en Pompadour, presque reine à cause d’un roi qui s’agenouillait devant elle en récitant des sonnets tendres, mais toujours ballerine, dansait, à demi déshabillée, la cachucha autour du trône, et, toute nue, le fandango sur la table du conseil des ministres, puis, haïe et adorée, triomphante, et jetant à travers la politique son aventure d’amour, refoula les émeutes à grands coups de cravache et chassa les jésuites à petits coups d’éventail !