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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/169

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FRÉDÉRICK

mica des neiges et faisait, aux pointes des branches, resplendir comme de petits lustres, des pendeloques de grésil.

Svelte et grand, pâle sous des cheveux noirs en boucles, ayant dans ses yeux très bleus une profondeur de lac ou de ciel, — pareil à quelque belle jeune femme, — le pâtre était debout sur la hauteur, seul dans l’immense isolement ; tout vêtu de fourrures blanches, c’était comme s’il avait neigé sur lui.

L’air qu’il jouait, lent, pur, interrompu de silence, s’égrenait dans la solitude, en rares perles froides, semblables aux gouttes d’une source gelée, qui fond.

Il cessa de jouer, inclina la tête, prêtant l’oreille, avec l’air d’attendre un écho. Rien. Pas un son. Seule, une grosse pierre détachée par le passage du vent roula sur une pente et s’arrêta dans un bruit de branchage cassé.

Alors il regarda tristement le paysage morose. Penché avec l’inquiétude d’un amant qui ne voit pas venir celle qui avait promis, on eût dit qu’il demandait une voix au silence et l’apparition d’une forme à l’immobilité de la neige. Il tendait ses bras comme dans l’espérance d’une étreinte ;