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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/175

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FRÉDÉRICK

ministres ne peuvent pas l’essayer. De là leur inquiétude. Songez donc, sire ! il y a vingt jours que les valets de chambre de Votre Majesté se sont aperçus enfin que c’était, non pas Frédérick II, mais un mannequin en costume d’Obéron, qui leur tournait le dos, assis dans une pose de rêverie, au bord du lac, près de la grotte de Titania ! Et depuis ce temps, toute la cour est en rumeur ; vos écuyers, dès l’aurore, rôdent de salle en salle, de jardin en jardin, cherchant le maître, effarés, éperdus ; quelques-uns sautent à cheval, partent pour le Bourg-des-Roses ou pour le Château-des-Sirènes, et reviennent le lendemain, tout déconfits. Quant aux ministres, ils sont vraiment dans un état digne de pitié ; M. de Louisberg, à la première nouvelle de votre disparition, a laissé tomber sa tabatière sans s’en apercevoir, et il y aura demain trois semaines qu’il plonge inconsciemment ses deux doigts dans la paume de sa main vide, et se bourre le nez avec des prises d’air ! Mais il éternue par habitude. Le comte de Lilienthal ne va plus, le matin, boire ses quatorze cruches de bière Dieu-le-Père au couvent des Franciscains, de sorte que, toute la journée, il a l’air d’un homme ivre ; ça le grise, de ne pas être