Aller au contenu

Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
170
LE ROI VIERGE

une inquiétude égale, si on leur fera crédit, tout à l’heure, à la restauration de la Germania, et si Votre Majesté rentrera bientôt dans sa capitale ! Les artilleurs, dans les cours des casernes, tout en fourbissant la gueule des canons que vous a envoyés votre cousin de Prusse ; les bureaucrates, dans leurs niches sombres, en se grattant le nez avec la barbe de leurs plumes ; les peintres, dans les ateliers, en ajoutant des lys et des roses à quelque Ève, d’après Albrecht Durer, ou à quelque Vénus, d’après Overbeck, se lamentent d’ignorer ce qu’est devenu leur roi, violent comme un boulet, calligraphe comme un professeur d’écriture, et plus beau que toutes les femmes ou que toutes les déesses ! Pas une saucisse de veau n’est mangée, dans la Brasserie Royale, sans que le mangeur ne s’écrie, la bouche pleine : « Saperment ! où donc est allé Frédérick II ? » Les mendiants demandent à la fois l’aumône et des nouvelles de Votre Majesté ; et que je sois emporté par le satyre diabolique qui baise les épaules des nymphes dans les sentiers du Vénusberg, si Ottilia ne m’a pas dit, hier soir, après avoir essuyé du bout de sa langue rouge la mousse qui coulait de mon verre :