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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/188

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LE ROI VIERGE

nuées, dans le vent silencieux qui emporte parfois des volutes de flocons éparpillés en poussière, le soleil de janvier illuminait les roches glacées, allumait le mica des neiges et faisait, aux pointes des branches, resplendir, comme de petits lustres, des pendeloques de grésil.

Il mit la flûte à ses lèvres.

L’air qu’il avait joué, lent, pur, interrompu de silences, s’égrena de nouveau en rares perles froides, semblables aux gouttes d’une source gelée, qui fond. Mais la voix du rossignol des alpes, qui avait semblé la réponse de l’idéal au rêve, ne répliqua pas à la voix de la flûte.

Alors, après un dernier regard, longuement tenace, comme si Frédérick eût voulu garder à jamais dans ses yeux toute la vision blanche de l’hiver, après une longue et large aspiration, comme s’il eût voulu emporter dans ses poumons tout le vaste air libre des hauteurs, le pâtre-roi suivit le pâle chemin qui descend, en murmurant, mélancolique :

— L’oiseau de la solitude est fâché contre moi, parce que je reviens au milieu des hommes.