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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/224

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LE ROI VIERGE

en déchirant sa jupe, de la terre grasse où l’on enfonce jusqu’aux chevilles, des touffes d’herbe que l’on arrache à pleines mains et qui vous barbouillent le nez de leurs odeurs mouillées. Ce fut comme l’épanouissement d’une fleur tirée de serre et transplantée en plein sol, comme l’envolement d’un oiseau, hors de la cage, en plein air. Vaguement, elle concevait qu’on lui avait fait tort ; il y a dans les enfants une petite justice à laquelle il faut prendre garde ; oui, elle sentait qu’on l’avait dépouillée, renvoyée, presque enfermée ; mais, dépouillée, de quoi ? de luxes et de pompes, trop lourds pour elle, comme un manteau d’or ; renvoyée, d’où ? d’une prison ; enfermée, où ? dans la liberté. Ah ! comme c’était plus amusant de courir dans les champs au soleil que de rester assise, les coudes au corps, sur une espèce de petit trône ! Elle riait aux éclats. Plus de couronne ? elle mit des sabots.

Sa gouvernante, Mlle Arminia Zimmermann, lui fit plus d’une remontrance à propos de ces allures peu dignes d’une Altesse. On voulait bien que Lisi n’eût plus de principauté, mais on voulait aussi qu’elle conservât des façons princiè-