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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/228

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LE ROI VIERGE

ce fût un petit homme sérieux, toujours le nez dans des livres, — subissait l’influence de Lisi ; si bien que, sur un signe d’elle, il n’hésitait pas à hasarder sa dignité jusqu’à escalader les murs pour aller lui cueillir des branches de lilas ou de petites pommes vertes dont elle était très friande. Mais ce n’était point à sa naissance qu’elle devait cette suprématie ; elle avait la souveraineté légitime du mérite : tout ce jeune monde l’adorait et lui obéissait parce qu’elle était bien la plus turbulente et la plus espiègle diablesse que l’on eût jamais vue. Elle savait toutes les belles rondes, abondait en inventions de jeux, imaginait toujours quelque nouvelle farce ; on peut dire que pendant trois ou quatre ans, il ne fut pas attaché une seule casserole à la queue d’un chien, ni déraciné une tulipe dans le jardin du maître d’école, ni épinglé une seule plume de paon à la redingote du pasteur, sans que Lisi fût l’auteur ou eût été le conseiller du délit. Et c’était elle qui organisait les longues escapades à travers plaines et bois, où l’on s’en allait par bandes pareilles à des volées bavardes de passereaux, et d’où quelquefois on ne revenait qu’à la nuit montante, les cheveux pleins