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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/251

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FRÉDÉRICK

On citait de lui des exploits gastronomiques qui rendaient croyables les légendes faméliques des ogres dévorateurs. Comme Mlle Arminia Zimmermann s’était fait un oratoire à Lilienbourg, il s’y installa une gigantesque cuisine. La gouvernante priait, le gouverneur mangeait ; le temps passait ainsi. Quant à Lisi et à Frédérick, ils avaient, pour divertir l’ennui de la solitude, tous les oiseaux qui chantent dans les bois, toutes les libellules qui frissonnent sur l’eau ensoleillée du lac, et les beaux nuages blancs qui traversent le ciel.

Elle s’en amusait ; lui, non ; ou du moins il n’avait pas l’air de prendre plaisir à ces choses ; et même il souriait tristement, avec un air de regarder sans voir, quand la petite archiduchesse lui montrait, toute ravie, entre les épines vertes du chemin, un liseron renversé où une abeille, frémissant et tintant, avait l’air du battant d’or d’une petite clochette.

C’était un enfant mélancolique, qui se tenait à l’écart, pensif, avec l’air de vouloir se garer de la vie : il y avait dans la timidité furtive de ses gestes, dans l’attitude presque toujours détournée de sa tête, dans le regard de ses yeux vagues, qui