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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/252

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LE ROI VIERGE

tout à coup se fermaient comme éblouis d’un jour trop vif, un désir sensible d’éloignement, de fuite, de disparition. Où qu’il fût, il éprouvait, évidemment, le besoin farouche d’être ailleurs. Pareil à quelqu’un qui arrive de très loin, il avait, au milieu de toutes choses, l’air étrange d’un étranger.

Comme il était très pâle, et tremblait souvent d’un frisson brusque, on disait qu’il avait les fièvres. Oui, les fièvres, peut-être.

Il se tenait d’ordinaire dans une vaste chambre au plus haut étage de l’aile gauche. Presque pas de meubles ; pas un miroir. Le jour, à travers les rideaux sombres des fenêtres, mettait une poussière grise, sur les murs de pierre, sur le tapis d’une grande table ronde ; et cette pièce morne, où, comme un brouillard invisible dans la pénombre, des froideurs montaient des dalles et descendaient des poutres, semblait avoir été la salle, depuis longtemps abandonnée, d’un hôpital dans une prison. Lui, maigre, blême, face un peu longue, qui s’effile, il rôdait toute la journée autour de la grande table ; tournant par instants la tête et hâtant soudain le pas, — comme s’il avait eu peur d’être suivi et mordu aux jam-