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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/255

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FRÉDÉRICK

Ce furent les poëtes qui firent le jour dans l’âme de Frédérick.

D’abord il les avait lus, sans joie, toujours sombre ; étant trop jeune, il ne leur avait dû que d’incertaines rêveries, qu’un puéril amour des chimères. Dès qu’il les comprit, il s’extasia, et se comprit lui-même. Ce qu’ils espéraient, ce qu’ils aimaient, il démêla soudain qu’il l’avait toujours espéré, aimé, sans avoir pu s’en rendre compte. Il fut comme un aveugle à qui luit tout à coup une lumière jusqu’alors ignorée, qu’il imagine reconnaître pourtant, que maintenant il lui semble avoir attendue, comme si la réalisation lui révélait la nature du désir qu’il n’avait pas cru avoir. Oui, lorsqu’il eut conçu l’Idéal, Frédérick sentit que c’était bien là la forme et la splendeur de sa propre pensée, si longtemps confuse et ténébreuse. Il mêla délicieusement son âme aux âmes des poëtes : c’était comme une jeune sœur que ses sœurs aînées enseigneraient en chantant. Tous les rêves lui appartinrent ! Il fut le jeune Adam des féeriques Édens, le conquérant au casque d’or des Eldorados fabuleux. Il écouta avec Klopstock les conversations des anges qui se parlent d’une étoile à l’autre ; il