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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/261

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FRÉDÉRICK

Il y avait, au bord du lac, une petite voûte de roseaux où l’eau lente venait, poussée d’un souffle, mouiller le sable. Un peu avant la fin du jour, pendant que Mlle Arminia Zimmermann priait dans son oratoire et que M. de Storckhaus surveillait dans la cuisine les préparatifs du souper, les deux enfants avaient coutume d’être ensemble, là ; et ils avaient l’air, se parlant tout bas, rapprochés et câlins, de deux oiseaux qui se lissent l’un à l’autre les plumes dans une cage de verdure et de soleil.

Une fois, Frédérick laissa passer l’heure du rendez-vous ; il s’était attardé à considérer deux beaux nuages qui se poursuivaient à l’horizon, celui-ci tout reluisant comme d’une armure d’or, celui-là tout sanglant comme d’une blessure, on eût dit le duel dans les airs du Dragon et de l’Archange ; puis les deux nuées s’évanouirent. Frédérick se hâta vers le lac.

Il approchait, écartant les vimes, de la petite voûte de roseaux, il entendit un remûment glissant d’herbes froissées. « Elle est arrivée », pensa-t-il. Il pressa le pas, sans bruit pourtant, afin de la surprendre, se faisant une fête de la peur