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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/272

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LE ROI VIERGE

de lui le bouc de ce troupeau, le taureau de cette étable, l’étalon de ce haras ! Qu’était-ce qu’un roi ? Le ruffien couronné d’une immense maison publique. Il fuyait, plein de dégoût.

Son cheval s’abattit. Frédérick roula dans les pierres, se redressa, les mains sanglantes, regarda autour de lui. Il ne reconnut pas le lieu où il se trouvait. C’était un étroit sentier, entre des sapins, au flanc d’une montagne ; jamais, dans ses courses, il n’était venu ici. Il s’approcha du cheval qui, étendu sur le sol dur, soufflait stupidement. Il voulut le forcer à se relever ; la bête, harassée, demeura inerte, et geignit. Il y avait donc bien des heures que Frédérick avait quitté Lilienbourg ? Il avait donc fait beaucoup de chemin déjà ? Pourtant c’était la nuit encore ; les branches sombres de la sapinière, hérissées entre les roches, semblaient de grands gestes noirs qui empêchent de passer.

Brisé, il s’assit sur une pierre, les bras abandonnés, la tête penchante. Il ne pensait peut-être plus, sinon très vaguement. Les yeux à demi-clos, il se sentait l’âme bercée dans un va-et-vient de douloureuses rêveries ; et, lentement, ainsi qu’on