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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/271

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FRÉDÉRICK

était dans l’écurie. Il flatta de la main un cheval du Tyrol, tout blanc, qui hennit en secouant sa crinière. Il le sella rapidement, revint dans la cour qu’il traversa en tirant la bête par la bride ; puis, violemment, il monta en selle, et, serrant les genoux, levant les rênes, précipita sa monture épouvantée sur la descente roide de la côte, dans un tourbillon de poussière et d’éboulements pierreux ; la blanche crinière envolée du cheval était dans les ténèbres comme l’écume d’un torrent.

Où allait Frédérick ? Il ne savait pas, il fuyait.

Il fuyait Lisi, et ce château détesté où il avait été en proie aux rêves menteurs, et ces bois où pullulaient les humains et les bêtes ; il s’évadait de la vie qu’il avait vécue jusqu’à ce jour ; il fuyait surtout Nonnenbourg, où on voulait le ramener, où on voulait qu’il fût roi !

Roi ! lui ! roi des hommes et des femmes ! Non-seulement il faudrait qu’il restât parmi ceux qui se vautrent dans la bassesse des sens, mais il faudrait qu’il fût leur chef ! Il serait l’un des maîtres de cette humanité qui lui apparaissait désormais comme un grouillement obscène de fornicateurs et de prostituées ! On prétendait faire