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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/290

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LE ROI VIERGE

rit, Italiennes dont l’œil flamboie, il y avait de très visibles différences dans la façon d’être laide ou jolie. Si bien que ce rassemblement de personnes, dans cette salle d’auberge, sur un versant des Alpes thuringiennes, avait l’air de quelque congrès fantasque où toutes les nations de l’Europe se seraient fait représenter.

À vrai dire, il y avait quelque chose qui mettait un peu d’harmonie entre ces diversités de physionomies et de costumes ; c’était une espèce d’abandon, de bonne humeur, de sans-gêne, qui allait presque jusqu’au débraillé ; les femmes, ne craignant pas de poser leurs fins coudes nus sur la table, riaient tout près des lèvres des hommes, avec un enjouement hardi, ou ne se refusaient pas à quelque confidence chuchotée à l’oreille ; une toute jeune fille, décolletée comme si elle n’avait eu que sa chemise pour corsage, se renversait sur le dossier de sa chaise, en fumant une cigarette rose ; et c’était un brouhaha de voix qui s’interrompent, de gestes mêlés où une blanche main dégantée s’abandonnait quelquefois sur l’épaule d’une redingote ou d’un dolman.

Il était aisé de voir pourtant que ce n’étaient là