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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/297

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FRÉDÉRICK

venant, et, avec lui, la lassitude des succès accoutumés, il s’était fait, d’interprète, créateur, et, de libertin, ecclésiastique. Il n’avait pas renoncé absolument aux clavecins ni aux alcôves ; mais il feignait de mépriser les virtuosités anciennes. Il était, en public, homme de génie et abbé. Un de ces abbés comme on en voit beaucoup à Rome, et qu’on appelle monsignori ; ces gens-là ont un pied chaussé de violet dans les sacristies ou dans les antichambres d’évêques, et l’autre, chaussé ou non, dans les boudoirs ou dans les loges de prime donne ; les bohèmes de l’Église. Son espèce de soutane, qu’il avait accommodée en une sorte de redingote, ne l’empêchait pas de se mêler à la foule parée des concerts, des spectacles, des fêtes ; même il avait pour les femmes trop décolletées des indulgences particulières. Suivi d’un long troupeau d’élèves, dont il était le berger, ou le bouc, il traversait à Vienne, à Berlin, à Pétersbourg, les somptueuses réceptions officielles, s’arrêtant rarement pour laisser glisser, avec l’air dont on fait une aumône, la longueur de sa main gauche sur les touches d’un piano ; quelquefois — lorsque la reine ou l’empereur l’en priait — il consentait