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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/298

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LE ROI VIERGE

à diriger un orchestre ; mais il ne se servait pas du bâton ; debout, son sourire de clémence aux lèvres, paisible, auguste, il commandait du regard son armée instrumentale, se bornait à lever et à baisser, de temps en temps, ses deux mains en mesure, dirigeait les symphonistes comme on bénit des ouailles. En hiver, il acceptait volontiers l’hospitalité — toujours accompagné de ses nombreux disciples — dans la résidence forestière de quelque magnat de Hongrie ; le matin, il disait la messe dans la chapelle seigneuriale ; le soir, il présidait les festins après les grandes chasses. Il se faisait présenter les chanoines et les évêques qui viennent se délasser, dans cette vie de château, des fatigues du sacerdoce. Adoré, adulé, il daignait se montrer doux, presque bonhomme, quoique un peu grave, poussait la grandeur jusqu’à la familiarité. Mais parfois des incidents dérangeaient les plis de sa bénigne attitude. Une fois, au dessert, ayant trop bu de champagne, une de ses élèves lui cria, l’archevêque étant présent : « Tu sais, si tu vas encore, cette nuit, dans la chambre de Bella, je t’arrache les yeux ! » Bella, c’était une autre élève, une nouvelle venue. L’apostrophe était