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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/302

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LE ROI VIERGE

parmi les dentelles de la manche. Ni les lys, ni les cygnes, ni les hermines n’auraient pu paraître blancs auprès de sa blancheur, et son attitude était plus tendrement désolée que l’inclinaison larmoyante des saules ; elle faisait penser à quelque élégiaque Séraphita, qui, à force de rêver sur les cimes, aurait pris la pâleur des glaciers et la diaphanéité des brumes, et lentement se mourrait, au milieu des hommes, avec des gestes plaintifs, à cause de la nostalgie des pures hauteurs. En France, où on la croyait Suédoise et où on l’appelait Mme Dzalergy, Théophile Gautier écrivit pour elle la « Symphonie en blanc majeur », ce fut l’une des ivresses des salons de l’entendre jouer, languissante et comme pâmée, les mazurkas et les valses de Chopin ; on disait alors, mais tout bas, qu’elle était divinement liée avec ce triste et doux musicien ; et chaque note des mélancoliques airs semblait l’un des soupirs de leurs fiançailles mystiques. Faible et douce comme elle était, elle vint, le 4 décembre 1851, apporter au général Canrobert, de la part du prince-président, l’ordre de mitrailler les passants des boulevards ; car elle avait passé la nuit à l’Élysée, où elle allait