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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/301

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FRÉDÉRICK

ter les maîtres, il parvint à s’assimiler leur âme. Un comédien peut se faire auteur dramatique. Mais ce n’était pas un banal imitateur. Il avait appris à créer. Il était lui-même, à l’exemple des autres ; et, travailleur acharné, artiste savant et hardi, — les forces de son intelligence et de sa volonté toujours tendues par un besoin d’illustration, par une vanité qui, ma foi, ressemblait à de l’orgueil, — il avait enfin autant de génie que l’on en peut acquérir ! Cette haute valeur personnelle justifiait tant bien que mal l’espèce de souveraineté dédaigneuse qu’il lui plaisait d’affecter ; on ne riait pas trop de le voir traverser l’Allemagne avec ce cortége de jeunes filles et de jeunes garçons qui portaient la queue de sa gloire, — hautain, magistral, bénin, grand homme et grand-prêtre, un peu sultan aussi.

Quelques chaises plus loin, une femme assez vieille, mais si blanche, et maigre au point d’être transparente, faite non pas de chair mais de mousseline et de neige, l’air d’une nuée tombée dans un fauteuil, se renversait nonchalamment, sa tête aux yeux mi-fermés inclinant vers l’épaule, les longs doigts de sa main droite appuyés au bord de la table, et l’autre main pendante