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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/316

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LE ROI VIERGE

désespéré qui s’enferme. Vainement, la reine Thècla, que possédait une vaste ambition, voulut mêler son fils aux choses politiques, l’initier aux subtilités de la diplomatie ; il ne comprenait pas, n’écoutait pas, s’effarait, allait chercher un refuge dans la chaumière de sa vieille nourrice, au flanc de la montagne.

Car, en se résignant à la royauté, il n’avait eu d’autre but que de faire triompher l’art nouveau qui s’était révélé à lui, et le créateur de cet art.

Il fit venir Hans Hammer à Nonnenbourg, l’enrichit, l’honora, l’adora. Le roi, ce n’était pas Frédérick, c’était Hans Hammer. Le peuple obéissait au prince, le prince obéissait à l’artiste ; le sceptre de Thuringe était un bâton de chef d’orchestre. Et Frédérick s’épanouissait dans une extase continue. Dans les paradis artificiels de son chimérique palais, il passait de longues journées, — pendant que ses ministres se consultaient, humiliés, — à épeler les partitions du maître, à entendre sortir, de la confusion noire et blanche des notes, les tout-puissants accords et les souveraines mélodies. Le théâtre de sa capitale fut l’une des plus illustres scènes de l’Allemagne ; tous les chanteurs, toutes les cantatrices en re-