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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/32

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LE ROI VIERGE

Vous êtes de l’ancienne école. Se tenir sur le qui-vive, parler par monosyllabes. Talleyrand, tout à fait. C’est le vieux jeu ! comme disent les petits journalistes. Prenez exemple sur moi, qui parle toujours et ne dis jamais rien.

Il garda le silence.

— Mais, continua-t-elle avec une jolie moue effrayée, c’est donc très-grave, ce que votre roi demande ? Il n’a pourtant pas la renommée d’être un don Juan bien formidable. Il ne tient guère de son aïeul toujours prêt à abdiquer pour l’amour d’une belle fille qui avait dansé sans maillot au théâtre de la Porte-Saint-Martin. Vous savez ce que l’on raconte de Frédérick Ier ? Quand il arriva au Paradis, Saint-Pierre s’écria : « Voici le roi Frédérick, enfermez les onze mille vierges ? » Votre maître est plus réservé ; on n’a pas besoin de cacher les jeunes filles quand il vient. Il ressemble plutôt à Frédérick de Souabe, — je suis très pédante, c’est convenu, — qui mourut de continence, en Palestine, pour n’avoir pas voulu se laisser déshabiller par la nièce d’un Sarrazin. Est-ce vrai, dites, que votre maître n’a jamais osé entrer dans la salle où son grand-père a réuni les portraits des plus belles créatures de son