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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/329

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FRÉDÉRICK ET GLORIANE

fonde, grasse, rauque un peu, qui a l’air de râler, quoique douce. Ce qui troubla surtout le roi de Thuringe, ce fut la ressemblance de la Frascuèla avec la reine qui était pour lui l’objet d’un si chaste culte. De quel droit ce démon parodiait-il cet ange ? Dans quel dessein de tentation, une égale beauté, si différente et si pareille, avait-elle été donnée à deux êtres, l’un divin, l’autre démoniaque ? Est-ce que Satan est Dieu aussi ?

Frédérick s’échappa du théâtre ; il suivit rapidement le long Corridor des Tapisseries, qui conduit à la Résidence. Jamais, non jamais, — pas même le jour où il vit s’accoupler hideusement sous les roseaux la grosse fille du village et son vil amoureux, — il n’avait connu un tel trouble de pensée. Il marchait, ou plutôt il courait, la tête basse, n’écoutant pas le bon Karl qui lui racontait tristement la maladie de Lisi, de jour en jour aggravée. Il dit enfin : « Laissez-moi ! je souffre ! je veux être seul ! » Et, avec un geste qui éloigna son écuyer et ses pages, il entra dans les appartements secrets, où, à force d’ingénieux artifices, étaient réalisées les merveilles de la féerie.