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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/334

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LE ROI VIERGE

que je te dise ! Même laide, je serais belle et désespérément désirable, car je suis l’amour même, l’amour farouche, qui convoite et conquiert ! D’autres femmes, à ce qu’on raconte — est-ce que je sais si c’est vrai ? — se réservent, veulent qu’on les désire longtemps, sans espérance, se refusent enfin ; moi, je m’offre et je me donne, et je tends à tout venant, comme une rose sauvage, mes rouges lèvres où fleurit le sang du baiser. Ah ! c’est certain, je suis une fille, comme on dit, et les honnêtes femmes me méprisent. Mais vois comme j’ai de belles épaules et sens l’odeur de fleur chaude qui suinte de ma peau. Et ce n’est pas vrai que je suis méprisable ! puisque je n’aime plus que toi, toi seul. Je ne puis pas comprendre comment cela s’est fait ; mais depuis que je t’ai vu, il me semble qu’il n’y a plus qu’un homme sur terre : toi ! Je me donnais à tous, je me garde pour un seul, et, de tout mon désir épars, j’ai fait une furieuse tendresse, que je t’apporte. Prends-la ! Oh ! mais je veux que tu la prennes ! Tu ne vas pas me chasser, au moins ? Tu ne pourrais pas : mon amour n’est pas une étreinte dont on se délie. Tu m’appartiens ! tu m’appartiens ! Oui, je