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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/343

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FRÉDÉRICK ET GLORIANE

l’air de m’y conduire, et il me semble que je serais bien partout où tu me mènerais. Non, tu restes là, sans bouger. Ah ! si j’en avais la force, comme je te mettrais mes bras autour du cou pour t’attirer vers moi. Mais que s’est-il donc passé, mon Dieu ? Autrefois, à Lilienbourg, tu étais si doux, nous étions si heureux ! Rappelle-toi toutes les belles choses que tu avais lues dans les poëtes et que tu me répétais. Tu étais un peu étrange, mais si charmant ! Souvent, tu t’en souviens, tu te moquais de moi parce que je caressais, dans la basse-cour, les plumes de mes pigeons et de mes poules, et tu m’emmenais fièrement, comme un chevalier qui emporte sa damoiselle, en m’appelant Oriane ou Clorinde. Tu m’aimais en ce temps-là ! Quand je te disais : « Viens plus près, » tu n’avais pas cet air farouche. Je demande si peu pourtant, si peu ! Ne prends pas mes mains, si tu ne le veux pas, mais approche ta tête, là, moins loin de la mienne, pour que, tout à l’heure, quand je mourrai, mon âme, en s’en allant, passe au moins dans l’haleine, de tes lèvres !

Elle suppliait avec une si exquise tendresse, que les yeux de Frédérick, enfin, se mouillèrent