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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/356

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LE ROI VIERGE

Elle éclata de rire, comme une folle, se précipita sur le petit homme, l’empoigna par la gorge et le serra si fort qu’il blêmit, tira la langue, râla, défaillit, tomba, mort peut-être.

Elle le repoussa d’un coup de pied robuste comme une ruade de cavale, reprit la robe, le manteau, s’en enveloppa, ouvrit la porte, s’enfuit.

Quand elle fut dans la rue, elle courut parmi la foule, la devança, tous ses cheveux volant derrière elle. On regardait cette femme ; on se demandait si ce n’était pas une aliénée échappée de quelque hospice. Elle courait toujours, bousculant, traversant les groupes ; parfois elle s’arrêtait, essoufflée, et, alors, elle poussait un long cri déchirant, à la fois plaintif et dur, bestial, pareil à celui d’un chien qui a peur et qui aboie, la nuit.

Enfin elle arriva, dans un flot de populaire, sur la place du palais encombrée d’une multitude compacte.

Ce que vit Gloriani était terrible et beau.

Toute une aile de la Résidence, comme une grange incendiée qu’attise la rafale, flambait sous le ciel clair où la fumée se pelotonnait en gros nuages blancs ; et, la façade s’étant écroulée