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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/357

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FRÉDÉRICK ET GLORIANE

dans un immense fracas de pierres et de braises, que suivit un ruissellement d’eau, ce n’étaient plus des bâtisses qui brûlaient, mais les hautes herbes d’une plaine, et les roseaux d’une rive, et, avec ses troncs de rubis et ses feuilles d’émeraudes, toute une forêt où voletaient encore de merveilleux oiseaux. Dans les fantasmagories de la flamme, le paysage, en se consumant, prenait des aspects inconnus, avait des lointains de chimère et de féerie, apparaissait prodigieux : le feu était la rampe de ce décor. L’esprit troublé par la singularité du spectacle et par le souvenir des discours que l’on tenait sur l’habitation du roi, le peuple croyait assister à l’anéantissement lumineux d’un paradis, à l’incendie d’un rêve. Et voici que de l’énorme flamboiement où s’écroulaient des chênes écarlates, où se tordaient des cascatelles de perles, un cygne, les ailes grandes ouvertes, émergea, et comme une âme qui s’envole, traversa les fumées, s’éleva, diminua, disparut dans les clartés azurées du ciel !

Un instant immobilisée par la stupéfaction et la peur, Gloriane se jeta en avant, furieuse, insensée, criant : « Frédérick ! »