Aller au contenu

Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
LE ROI VIERGE

Il eut la chance qu’un maître corroyeur ayant besoin d’un apprenti s’avisa de venir chercher un enfant à l’hospice. On lui demanda s’il voulait Brascassou. Brascassou, c’était le petit qu’on battait et qu’on n’aimait pas. Il n’a jamais su pourquoi on lui avait donné ce nom ; le fait est qu’on l’avait toujours appelé ainsi, depuis le jour de son entrée à l’hospice : le patois a des mystères. Le corroyeur répondit : « Celui-là ou un autre. » On préféra se débarrasser de « cette pourriture. » L’homme d’abord fit la grimace, en voyant ce garçon chétif, vilain, sans regard et la teigne au crâne. « Bah ! dit-il, l’odeur des peaux est bonne à la santé ; ça lui refera le tempérament ; » et il l’emmena, après lui avoir flanqué deux gifles en manière de plaisanterie. Tel fut le commencement de l’apprentissage.

Brascassou jusqu’alors avait été battu, mais n’avait jamais travaillé. Maintenant, il dut travailler sans cesser d’être battu. Ceci lui parut dur. Le châtiment après la besogne, au lieu de la récompense, obscurcit la vague notion du bien et du mal qui, faiblement, comme une clarté qui tremble, s’était levée en lui, lumière à peine allumée, aussitôt éteinte. Après avoir eu l’éton-