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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/64

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LE ROI VIERGE

gazes fripées et des rougeurs de vierge dans la grosse pourpre des joues ; lui, gamin bestial, qui avait dû à l’éveil de l’adolescence une heure de vision, il comprit soudainement la vérité, et, après un instant de mélancolie, l’accepta. Le rêve, à un moment donné, se lève dans tout esprit : bulle de savon en la plupart des hommes, prismatique, mais qui se résout vite en une goutte sale ; bulle aussi dans l’âme des songeurs tenaces, mais faite d’un métal transparent, qui résiste. Tout poète est un enfant rêveur continué et solidifié en homme. Brascassou fit mieux, ou pis, que d’admettre ce qu’on nomme le vrai, il s’y habitua, et l’aima. Sa mère aussi, peut-être, avait aimé cette chose. Le fils de la prostituée retrouvait et suivait la pente de sa race. Il retourna au théâtre presque tous les soirs, un peu avant la fin du spectacle, grâce aux contre-marques qu’il mendiait aux spectateurs ennuyés, en cachant sa cigarette derrière son dos pour avoir l’air plus convenable. Bientôt, aux troisièmes, il fut chez lui ; jugeant les fortes chanteuses, émettant des doutes à l’endroit du baryton, applaudissant ou sifflant, quelquefois parce qu’on le payait pour siffler ou pour applaudir. Chef d’un groupe