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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/68

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LE ROI VIERGE

est agréable aux nostalgiques de la boue. D’ailleurs, il était habile à profiter auprès d’elles de la longueur d’un entr’acte ou des hasards d’un déshabillement. Il les prenait par la taille en leur soufflant dans l’oreille, leur enfonçait ses ongles entre les lacets du corset ; ça leur faisait voir trente-six chandelles, comme on dit. Quand la clochette du régisseur sonnait dans les couloirs, elles se secouaient en disant : « Faut-il être bête, tout de même ! » et lui se lissait la barbe devant la glace, pendant qu’elles enfilaient à la hâte leur jupe de Suissesse ou de dame d’honneur.

Cependant le soin de ses plaisirs ne lui faisait pas oublier ses intérêts. Très allumé, mais très pratique, il continuait à servir d’intermédiaire, exerçant ses fonctions dans des sphères plus hautes. Recommander un étudiant à une choriste ? Fi donc ! cela est bon pour les voyous amis du concierge, qui rôdent le soir, les mains dans les poches, près de l’entrée des artistes. Le temps était loin où il acceptait de menues pièces de monnaie en échange de ses bons offices ; il ne se dérangeait plus à moins de quelques louis. Une lettre dans un gousset, un écrin de bague dans l’autre, il guettait les premières chanteuses au