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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/69

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GLORIANE

moment où elles sortaient de leurs loges, les suivait, leur faisait signe et leur parlait à l’oreille, derrière un portant. Il devint un spécialiste renommé. Il fut le messager actif entre le libertinage de la salle et la prostitution des coulisses. On savait qu’il fallait s’adresser à lui. Il eut une situation presque officielle. Au commencement de la saison théâtrale, c’était M. Brascassou qui présidait, avec une espèce d’impartialité bien rétribuée, à la distribution des belles filles de la troupe parmi les « messieurs » de la ville. Il gagnait gros, et faisait des économies, n’ayant jamais payé un foulard de cotonnade à une figurante de théâtre, ni un bouquet de cerises à une grisette du quartier du Polygone. De sorte qu’un dimanche, — il avait alors vingt-cinq ans, — on le vit se promener sur les allées Lafayette, à l’heure de la musique, redingote, chapeau noir, des bagues aux doigts, une chaîne d’or sonnante sur le ventre, et faisant le moulinet entre le double rang des chaises avec une canne à pomme de cornaline.

Sa fortune l’éblouit. Son ambition ne connut plus de bornes. Il lâcha la figuration qui lui dérobait trop d’instants, le détournait de son industrie